Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – Le Mouton et le Chien
—Verrons-nous donc toujours ce chien à notre suite,
Et sa pâte et sa dent nous houspiller sans fin ?
Pour un seul pas qu’on fait hors du chemin,
Pour peu que l’on s’arrête ou qu’on aille plus vite,
Il fond sur vous au même instant :
Si l’on pouvait du moins prendre la fuite ?
Il n’y faut pas penser. Surprendre Vigilant !
Tentative inutile !
Croit-on qu’il dort ? rien n’échappe à ses yeux ;
Le moindre souffle, une arachné qui file
Font dresser son oreille. Est-il loin et tranquille ?
Qu’on respire, il est là. — J’y suis : tu ferais mieux
De te taire : oui, je veux qu’en bon ordre on défile
Qu’en ordre on paisse l’herbe en l’espace permis ;
Que sur la route, aux prés, au bercail, à la ville,
Tout se passe dans l’ordre, enfin qu’on soit soumis.
Crois-tu, faible cerveau, lorsque ma dent te blesse
Que le mien ne pense qu’à toi ?
Le troupeau tout entier à la fois m’intéresse ;
C’est l’ordre, c’est vous tous que j’envisage, moi.
Ce Vigilant parlait comme parle la loi.
Étienne Fumars, Le Mouton et le Chien