Antoine Benoît Vigarosy
Fabuliste XVIIIº – Le Mouton
Jadis, un tondeur de troupeaux,
D’un coup de ses cruels, ciseaux,
Présent de la Parque inflexible,
A Robin le mouton, d’humeur douce et paisible,
Ravit, par trahison,
Des brins de sa toison;
Puise en fait de liens; puis, de sa main pesante,
Et, des liens qu’elle a fournis,
La garrotte et la livre aux ciseaux ennemis,
Qui tondent à leur gré la bête.
Lors, esclave dans sa toison,
Notre pauvre mouton
Dit, d’un accent plaintif, levant un peu la tête :
—O Dieux vengeurs! l’ai-je bien vu ?
Hélas! faut-il que nôtre laine,
Ce beau présent des cieux, devienne notre chaîne !
N’est-ce donc pas assez, hélas! d’être tondu?
De nos premiers deniers, au milieu des alarmes,
Les tyrans achètent des armes;
Avec du fer ils ont de l’or ;
Et bientôt, semant leur trésor,
Ils font, au gré de leur caprice,
Prophétiser les saints et parler la justice.
Antoine Benoît Vigarosy, Le Mouton