Dans son domaine un amateur ,
Simple en ses goûts, passait sa vie ;
Telle était sa philosophie ,
Il y goûtait la paix et le bonheur.
De la nature en ses rians bocages
Chaque saison apportait les faveurs ;
Près de ses frais berceaux, sous leurscharmans ombrages
Il moissonnait des fruits, ou cultivait des fleurs.
Leurs doux parfums , leurs beautés réunies ,
Entretenant ses douces rêveries ,
Là, chaque jour, à ses yeux sont offerts
Tous les trésors de cent climats divers.
Le myrte, un jour, trop fier de sa naissance ,
Dit au cyprès voisin de son enfance :
Que je vous plains! ah! pauvres arbrisseaux,
Tristes reclus, habitans des tombeaux :
Qui peut charmer votre existence
Quand voués au silence
Vous végétez au séjour de la mort ?
Ah ! quel destin ! que je bénis mon sort!
Souvent placé sur le sein de nos belles
Avec les fleurs les plus nouvelles ,
Je suis admis au palais de Plutus ,
Ou je suis cher à plus d’une Vénus.
Toujours plus frais, au lever de l’aurore ,
J’orne , embellis , le parterre de Flore.
Tout me sourit, mes jours sont aux plaisirs.
— Ah ! sans former d’inutiles désirs ,
Chacun, dit un cyprès, retiens bien cet adage ,
Peut goûter le bonheur; la retraite du sage
A des charmes pour lui ; ses jours coulent en paix.
Près des tombeaux , exprimant leurs regrets ,
Livrés au sentiment, combien de coeurs sensibles
Viennent rêver sous nos ombres paisibles ,
Sans accuser le sort et sa rigueur.
Des plus doux souvenirs parfois l’attrait vainqueur
Suffit alors à notre âme attendrie ,
Et même dans nos maux nous fait aimer la vie.
Toi qui servis de voile aux charmes de Cypris ,
Des belles sois toujours au rang des favoris ,
Beau myrte, tu sais bien que l’aveugle fortune
Ne donne pas à tous une chance commune.
Un ami sage est un présent des cieux;
Il nous console, au bonheur nous convie;
Au sentiment tient notre âme asservie.
Mais loin de nous le mortel fastueux ,
Qui croyant seul avoir tout en partage ,
D’un sot orgueil épris, vante son apanage !
“Le Myrte et le Cyprès”