A quoi, vil insecte, es-tu bon,
Disoit à la chenille, un très-beau papillon
Qui voltigeoit dans un parterre ?
Oses-tu te fixer dans un riant jardin,
Y respirer le frais, y savourer le thym ?
Je te trouve bien téméraire !
Es-tu donc faite, en bonne foi,
Pour approcher si près du lys et de la rose ?
Cet honneur n’appartient qu’à moi…
Pourquoi t’enorgueillir de ta métamorphose,
Répliqua la chenille à l’esprit bien sensé ?
Je te connois, et ris de ton humeur altière ;
Tu fus ce que je suis, et tout le mois passé
Tu te trainois sur la poussière,
A mes côtés, auprès de ce rosier ;
Si tu t’en souvenois, on pourroit l’oublier.
L’un de ces jours aussi tu me verras des ailes,
J’irai me reposer sur les fleurs les plus belles :
Mais, grâce à tes mépris, je songerai souvent,
Quand je pourrai voler sur les roses nouvelles
Que je rampois auparavant.
“Le Papillon et la Chenille”
- La Marquise de la Ferrandière, 1736 – 1819