Jean François Haumont
Militaire, poète et fabuliste XVIIIº – Le Papillon et le Mûrier
Un papillon, inconstant et léger,
Sur les fleurs las de voltiger,
Ne songeant plus qu’à la retraite,
Aperçut un très-beau mûrier :
Tâchons, dit-il en soi, de me l’approprier ;
J’y trouverai tout ce que je souhaite;
Nourriture, couvert, repos et liberté ;
Voilà tout ce qu’il faut pour la félicité.
Ce papillon charmant, près du mûrier s’arrête,
Et lui parle d’un ton flatteur et caressant ;
Bientôt il en fit la conquête :
Joli minois est toujours séduisant !
Très-volontiers:si mon asile,
Dit cet arbre, peut vous servir,
Venez, je serai très-docile :
Je suis charmé de vous offrir
L’abri du vent, l’ombre et la subsistance:
On fait grand cas de ma substance :
Quelquefois je nourris de certains petits vers,
Grands fileurs, qui sont tous des insectes pervers ;
Quand, par malheur, je les accueille,
Il me reste à peine une feuille.
Mais vous, l’être le plus joli,
Pour me tromper, vous êtes trop poli.
— Qui, moi? ce serait conscience
D’abuser de la confiance
De celui qui veut m’obliger ;
N’en parlons plus, ce serait m’affliger.
Je veux par tous mes soins, auprès de vous sans cesse,
Mériter vos bontés, l’appui de ma faiblesse.
Plusieurs jours après ce propos,
Les deux amis vécurent en repos.
Tout être bon se fie au personnage
Qui sait charmer par un joli langage.
Un papillon ne peut longtemps durer.
Le nôtre, avant que d’expirer,
Laissa pour toute récompense,
Des chenilles l’affreuse engeance,
Qui dévorèrent sans quartier.
Le trop complaisant mûrier.
Gardons-nous de la gentillesse ;
Mais sur-tout des propos flatteurs :
Le serpent caché sous les fleurs,
Nous surprend avec plus d’adresse.
Jean François Haumont, Le Papillon et le Mûrier