Armé d’une ligne légère ,
Colin, des pêcheurs le plus beau,
Assis à l’ombre d’un ormeau ,
Faisait une innocente guerre
Aux muets habitants de l’eau.
Tandis que la bergère An nette ,
Des jeunes filles du hameau,
La plus belle et la plus discrète ,
Non loin de là , sur le coteau ,
Conduisait son heureux troupeau ,
En répétant sa chansonnette
Et faisant tourner son fuseau….
0 1 trop charmante pastourelle ,
Lui dit le pêcheur amoureux ,
Pourquoi méprisez-vous les feux
D’un amant pour vous si fidèle?
Pourtant nous avons, vous et moi,
Même sort, si je ne m’abuse,
Puisque vous employez la ruse,
Pour tout soumettre à votre loi.
J’en conviens toutefois, vous avez l’avantage :
Pour attirer dans mes filets,
D’une amorce grossière il me faut faire usage,
Et vous n’avez besoin que de vos seuls attraits
Pour fixer près de vous le cœur le plus volage.
La bergère sourit, et ne répondit rien ;
Mais , en le regardant, elle entra sous l’ombrage ;
Colin la suivit, et je gage
Que le fripon s’en trouva bien.
0 ! vous qui, dans l’adolescence,
Désirez faire votre cour ,
N’oubliez pas qu’avant l’amour,
L’amour-propre avait pris naissance.
“Le Pêcheur et la jeune Bergère”