D’un beau poupon royal la majesté future
Avec des cartes s’amusait.
Ignorant leur emploi, l’enfant ne s’y plaisait
Que par l’attrait de leur peinture,
Et rejetait, non sans dédain ,
Tout ce qui n’était pas figure.
L’une, plus sensible à l’injure
D’être prise pour du fretin ,
Fit cette remontrance au petit souverain :
— Peintures sont chez nous ce qu’est votre noblesse ;
Elle a bien son mérite. Occupez-vous des grands;
Mais les petits, aux yeux de la sagesse ,
Doivent-ils être indifférens ?
Gardez-vous donc de jamais croire
Que le jeu subsiste sans nous.
lisez, consultez notre histoire;
Interrogez nos jeux de couleur rouge et noire :
Franchement, ils vous diront tous,
Que de notre union résultent les grands coups,
Et que d’un roi son peuple est la force et la gloire.
Pour vous défendre enfin de prendre un ton si haut ,
Contre la carte la plus mince ,
Apprenez qu’au piquet, mon joli petit prince ,
Faute d’un huit on est capot.
“Le petit Prince et les Cartes”
Philibert-Louis Orry, Marquis de Fulvy– 1736 – 1823