Paul Vallin
Poète, romancier et fabuliste contemporain – Le Poulet en vadrouille
C’est une fable que les poules racontent à leurs poussins
Pour les désenchanter de leur curiosité.
Un jeune Poulet de ferme, fort déluré ma foi,
Se décida un jour à quitter son enclos
Pour aller en forêt y chercher aventure.
S’envolant à demi, il sauta la clôture,
Partit d’un pas alerte vers la futaie voisine
Où un ramage d’oiseaux l’invitait à se rendre.
Il rencontre une Fourmi affairée qui poussait
Un grain aussi gros qu’elle pour aller l’engranger ;
Notre gallinacé proposa poliment
De soulager sa charge. La Fourmi, on le sait,
N’est pas prêteuse de grain, elle refusa d’emblée,
Laissant là le poulet sans même le remercier.
Plus loin, sur le chemin, il aperçoit soudain
Escargot qui bavait en portant sa maison.
Il voulut l’assister, mais le colimaçon
Fort prudent de nature, entra dans sa coquille.
Surpris de provoquer si grande crainte chez un autre,
De fierté le jeune coq fit un ‘’Cocorico !’’
Dominant le concert donné par gente ailée,
La reine Pie jacassait, perchée sur un bouleau.
« Dis-moi donc bel oiseau, qui sait parler au vent,
Les secrets que s’échangent les créatures du ciel ? »
Demanda le Poulet qui souhaitait voler.
Mais la Pie dédaigneuse s’envola en riant !
Le Poulet contrarié de ne point bavarder,
Poursuivit son chemin et rencontra le Lièvre
Qui disputait une course avec commère Tortue.
Etant trop essoufflés, ces champions se tinrent cois,
Et notre aventurier en resta pour ses frais,
Ne trouvant nulle réponse à sa curiosité !
Mais il était têtu comme peut l’être un bourri,
Se jurant bien d’apprendre de ceux de la forêt
Secrets de liberté et joies d’en profiter.
Sur la haute branche d’un chêne, indifférent au vent,
Il voit Maître Corbeau croassant de colère,
Accusant le Renard de voler son fromage !
Choqué de ce délit en ce monde libertaire,
Poulet se retira sur la pointe des ergots.
Voyant de branche en branche sauter un écureuil
Étalant son panache pour séduire une femelle,
L’emplumé de la ferme pensa qu’il fallait plaire
Pour se faire accepter dans les salons d’en haut !
Cherchant un bon conseil pour faire l’avantageux,
Il revint en lisière pour admirer un Paon
Qui dessinait une roue de son plumage de queue.
D’un seul coup le Renard, jaillissant d’un fourré,
Se jeta sur le Paon, mettant fin au tableau,
Le plumant sans façon pour en faire son dîner !
Le Poulet sans traîner rentra en sa demeure
Méditer sur le sort de ces bêtes enfermées
Dans l’espace « Liberté » dont elles ne savent parler.
L’expérience qu’on acquiert sur chemin d’infortune
Vaut bien que l’on conseille de rester où l’on est,
Il n’est jamais certain qu’il fasse meilleur ailleurs !
Paul Vallin