Un Rat habitué depuis longtemps à la boutique d’un épicier, avait fait une ample provision de comestibles secs et de fruits verts ; il s’en nourrissait à gorge que veux-tu. L’Épicier voyait bien tous ces larcins et ne songeait point à les punir ; mais il reconnut enfin la vérité du proverbe : « Lorsque les gens vils ont l’estomac plein, ils deviennent hardis pour le mal. »
L’avidité de l’apprenti larron le rendit audacieux, il coupa la bourse du maître et porta dans son trou l’argent qu’il y trouva. Celui-ci mit bientôt la main dans son gousset et le sentit aussi vide que celui d’un banqueroutier, ou que l’estomac d’un mendiant. Il vit bien que c’était un tour du Rat ; pour lui, aussi adroit qu’un chat des plus expérimentés, il prend le voleur domestique, attache à sa patte un long file et le laisse aller à son trou. Il en connut bientôt la profondeur, et suivant le fil, il creusa jusqu’à ce qu’il parvint au logis du Rat. Il crut voir d’abord la boutique d’un changeur, l’or, l’argent, toutes les pièces de monnaies étaient jetées pêle-mêle ; l’Épicier, transporté de joie, commença par reprendre son bien, et arrachant de sa retraite l’avare animal, le livra aux griffes du chat qui se chargea de le punir comme il le méritait.
Tous les chagrins et tous les malheurs sont pour les amis du monde. Heureux l’homme modéré qui peut s’en délivrer ; le bien-être et la tranquillité ne se trouvent que dans la modération des désirs.
“Le Rat et l’Epicier “