Gardez-vous de certaine espèce
Dont le propos mielleux voudrait Vous allécher !
Défiez-vous de leur souplesse;
C’est pour leur profit seul qu’ils viennent vous chercher;
Mais tirez-vous-en par adresse ;
Répondez-leur sans vous fâcher.
Eveillé, plein de grâce et lesté,
Dans un bois d’arbre en arbre un Ecureuil sautait :
D’un œil de convoitise tin Renard le guettait ;
Et puis, l’apostrophant d’un air doux et modeste:
Cousin, je vous cherchais, dit-il, depuis long-temps ;
Il me serait bien doux, étant proches pareils,
De faire avec vous connaissance.
Je suis sensible à votre accueil,
Répondit l’adroit Ecureuil ;
Mais depuis quand cette alliance ?
Et pourrais-je savoir à qui je parle ici?
Je me nomme Ecureuil aussi,
Répondit le madré compère ;
Feu votre respectable père
Etait propre frère du mien.
Il me voulait beaucoup de bien
Lorsqu’il mourut dans un grand âge ;
(Vous étiez dans ce temps tout jeune, mon cousin)
J’eus un legs dans son héritage,
Qui de son souvenir m’est un précieux gage,
Un fort joli terrier le long du bois voisin.
Venez-y ; descendez, de grâce,
Descendez ; que l’on vous embrasse.
Attendez un moment, dit l’Ecureuil -, il faut
Que je monte pour vous un tant soit peu plus haut :
Ma digne mère, votre tante,
Que l’on cite pour son grand sens ,
Tenait pour maxime constante
Qu’entre nous et certains parens
Qui nous vantent leur alliance,
Afin de vivre bons amis,
Il faut toujours laisser une honnête distance.
Je me conforme à ses avis,
Et vous approuverez sans doute ma prudence.
Renard à ce discours parut un peu capot ;
Il ne s’attendait pas à réplique pareille :
Confus, et portant bas l’oreille,
Il s’en alla sans dire mot.
“Le Renard et l’Ecureuil”