Un renard, par le froid chassé de sa tanière,
Avait fait vœu
Que, s’il rencontrait un bon feu,
Toute la gent gallinière,
Sans pitié ni sans quartier,
Avec chair, plume et carcasse,
Entrerait dans la besace
Des pauvres de son quartier.
De peaux il devait ensuite
Munir tous les malheureux
Qui grelottaient dans leur gîte
Faute de soins généreux.
Le ciel, charmé du langage
De ce dévot personnage,
Mena tout droit Saint-Renard
Dans la caverne profonde
D’un ours qui, vers l’autre monde,
Lors s’apprêtait au départ.
Là se trouvait de quoi dégeler une armée
De renards transis et frileux.
Par le douillet la grotte est aussitôt fermée ;
Et je vous réponds bien qu’après une heure ou deux,
Notre gaillard n’avait pas froid aux yeux.
Dès qu’il eut de son corps retrouvé la souplesse,
Mon saint se rappela tout à coup sa promesse :
« Oh ! que ces pauvres gens, dit-il, ont dû souffrir !
Ma foi, de bien bon cœur j’allais les secourir ;
Mais, depuis le moment où j’ai fui ma tanière,
Le temps s’est radouci d’une étrange manière. »
Hélas ! vêtus de poil ou couverts d’un habit,
Que j’ai vu de renards de ce même acabit !
“Le Renard philanthrope”