Bernard Le Bouyer de Fontenelle
Le tendre rossignol & le galant moineau,
L’un & l’autre amoureux de la jeune fauvette,
Sur les branches d’un jeune ormeau
Lui parloient un jour d’amourette.
Le petit chantre ailé, par des airs doucereux,
S’efforçoit d’amollir le cœur de cette belle.
Je ferai, lui dit-il, toujours-tendre & fidelle,
Si vous voulez me rendre heureux ;
De mes douces chansons vous savez l’harmonie :
Elles ont mérité le suffrage des dieux ;
Désormais je les sacrifie
A chanter vos beautés, votre nom en tous lieux :
Les échos de ces bois le rediront sans cesse;
Et j’aurai tant de soin de le rendre éclatant,
Que votre cœur sera content
De voir l’excès de ma tendresse.
Et moi, dit le moineau, je vous baiserais tant…
A ces mots, le procès fut jugé dans l’instant
En faveur de l’oiseau qui porte gorge noire.
On renvoya l’oiseau chantant.
Voilà la fin de mon histoire.
“Le Rossignol, la Fauvette et le Moineau”
Bernard Le Bouyer de Fontenelle – 1657 – 1757