Un rossignol, issu je crois, de Philomèle
Né pour être l’honneur des bois
Saluant l’aurore nouvelle,
Réjouissoit les champs de sa naissante voix.
Arrive un lourd satyre, et moins homme que chèvre ;
Il veut au rossignol donner quelques leçons,
Et posant sur sa flute une hideuse lèvre ;
Hola, l’ami, dit-il, répète un peu ces sons
Qu’est-ce ? Tu ne dis mot ! Allons ; que l’on s’essaie,
L’oiseau commence à peine ; il le gronde, il l’effraie ;
Rien qui vaille ; encor mal, plus mal, recomençons.
Mais l’oiseau rebuté du féroce satyre,
Se tait ne veut répondre à rien
La douce flute avoit beau dire ;
Le joueur gâtoit tout : rien ne paroissoit bien.
Il a beau changer d’airs, donner du guai, du triste ;
Essayer becare et bémol.
Dans son silence encor le rossignol persiste.
Que te sert d’être rossignol,
Dit enfin le fluteur ? Tu fais honte à ta race.
Il en jette sa flute ; et laisse là l’oiseau.
Un jeune berger prend sa place,
Et de la flute qu’il ramasse
Veut sur le rossignol faire un essai nouveau.
Doux chantre du printems, approche et viens m’entendre,
Dit-il ; le ciel t’a fait pour le chant le plus tendre ;
Daigne imiter les miens, tu les embelliras ;
En m’imitant, tu m’instruiras,
Le compliment réussit à merveille ;
Au berger gracieux l’oiseau prête l’oreille,
L’admire, imite ses accens,
Répète et rend encor ses cadences plus belles ;
D’abondance de cœur y joint des ritournelles
Et surprend les échos de ses sons ravissans,
À ce nouveau maître fidelle,
Près de lui chaque jour il revient voltiger,
Et le flattant, le carressant de l’aîle
Semble lui demander quelque leçon nouvelle
Qu’il aime autant que le berger.
Le chantre fit si bien qu’il devint le modèle
Des rossignols, et dans ses sons
Les bois crurent encor entendre Philomèle.
Le maître est-il aimé ? Comptez sur ses leçons.
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, Le Rossignol.