Dans la saison des fruits, dans la saison d’automne,
Lorsque des mains de la riche Pomone
L’homme reçoit les doux présents;
Que des oiseaux l’on n’entend plus les chants,
Un Rouge-Gorge sur un lierre
Gaîment voletait, chansonnait;
Tout près de lui, sur la chaumière,
Un sot Moineau se rengorgeait.
Notre pierrot moqueur, d’une façon grossière.
Adressait au chanteur ces reproches blessants :
« Espères-tu, par tes chansons d’automne,
« Faire oublier les beaux chants du printemps
« Qu’attends-tu du son monotone
« De ton faible gazouillement?
« Voudrais-tu surpasser la plaintive fauvette,
« Ou les sons animés de la vive alouette?
« Crois-tu donc imiter l’harmonieux accent
« Du Rossignol, le chantre heureux de la nature,
« Que maints oiseaux, qui chantent mieux que toi.
« Ont tous pris pour leur maître et choisi pour leur roi?
« — Sois plus impartial, juge-moi sans injure.
Lui dit le Rouge-Gorge; à ma témérité,
« Au pur amour de l’art qui quelquefois m’inspire,
« Ne fais pas supporter ton animosité!
« Je m’essaye à chanter, malgré ton froid sourire;
« Je sais que pour primer tous mes efforts sont vains;
« Ne m’importuna plus, car, comme toi, j’admire
« Les sublimes beautés de ces maîtres divins.
«« Mais leurs chants ont cessé ; plus d’accords sur la rive :
« Naguère ils charmaient les vallons et les bois,
« Et l’écho répondait aux doux sons de leur voix.
« Le Rossignol a fui, plus d’amour qui l’avive.
« Les chantres sont muets. Ma voix seule, craintive,
« Chérit, sans pouvoir égaler
« Leurs chants, leur douce mélodie;
« Mais j’aime encore à m’essaye!
« Sur des accords que j’étudie,
« Heureux si je puis obtenir,
« Dans cette saison avancée,
« La faveur de réjouir
« La campagne délaissée. »
Il est permis de vouloir imiter
Les hommes à talents qu’on ne peut égaler.
“Le Rouge-gorge et le Moineau”