Certain ruisseau dont l’onde claire,
En filets argentés, coulait obscurément,
Sous un tapis de fleurs, dans un parc solitaire,
Ayant appris (je ne sais trop comment,
Mais la chose n’importe guère)
Qu’on vantait, à chaque moment,
L’étendue extraordinaire
D’une superbe nappe d’eau
Qui d’un magnifique parterre
Etait l’ornement le plus beau,
Conçut, dans son orgueil, le projet téméraire
De devenir pour le moins son égal.
« Je puis, se disait-il, franchissant mon canal,
« Et déployant sur le rivage
« Les trésors inconnus de mon brillant cristal,
« Des hommes, à mon tour, m’attirer le suffrage. »
Advint, un beau matin qu’il fit
Comme en lui-même il avait dit.
Il sort, d’un air de suffisance,
Du sein de son modeste lit ;
Au loin, sur le gazon, écumant d’arrogance,
En débordant il s’applanit,
Etend, le plus qu’il peut, une mobile glace…
Mais, par malheur,
Tout ce qu’il gagnait eu surface,
Il le perdait eu profondeur.
Qu’arriva-t il ? — Avant la fin de sa carrière,
L’astre du jour, par sa chaleur,
Dessécha tout-à-fait cette nappe éphémère.
Parmi nous, de l’ambition
La suite n’est pas moins funeste.
Le sort de plus d’un homme atteste
La triste vérité de cette fiction.
“Le Ruisseau ambitieux”