Sous les mornes arceaux d’une grotte rustique
Un clair ruisseau s’écoulait prisonnier,
Et promenait sur l’aride gravier
Son murmure mélancolique.
On eût dit, à le voir, ce pauvre filet d’eau,
Qu’il allait de langueur mourir dans ce caveau.
Mais, du roc s’échappant avec mutinerie,
Il s’élance bientôt à travers la prairie
Où, parmi l’herbe et la mousse et les fleurs,
Il coule tendrement, s’imprégnant des senteurs
Que, dans sa course caressante,
Il leur dérobe en frémissant,
Et comme un doux miroir enfin réfléchissant
Dans son onde limpide et pure et transparente
De ses gracieux bords l’image ravissante
Et la tendre prunelle et le regard vermeil
Du firmament d’azur, du radieux soleil !…
— Comme le filet d’eau, l’Ame, cette onde humaine,
Sous le roc de l’isolement
Soupire et languit tristement ;
Mais aussi que l’amour, divin rayonnement.
Vienne à s’y réfléchir ; que son exquise haleine
L’effleure de ses voluptés,
Soudain elle revêt, elle épanche autour d’elle,
Essence qui ruisselle,
Des sons mélodieux, des flots diamantés,
De purs et doux parfums, de suaves beautés ;
Tout ce que, dans le cours de ses langueurs naïves,
Elle peut effeuiller de grâce et de senteur,
Et, dans le flux houleux de ses passions vives,
Rouler de joie et de bonheur !
“Le Ruisseau”, Joseph Déjacque, 1821 – 1864