Le roi lion n’a point d’équipage de chasse :
Un seul animal suit sa trace ,
Et de ses restes est nourri.
Son nom est Siagos, et c’est le favori
Du sultan à longue crinière.
Il lui sert aussi de limier,
Allant détourner son gibier,
Et puis l’avertissant au fond de sa tanière
Par un appel peu régulier,
Mais au monarque familier.
Soudain seigneur lion s’élance sur sa proie ;
Et le courtisan circonspect
Du chemin de son maître avec soin se dévoie,
S’éloignant par prudence autant que par respect ;
Puis il revient chercher sa picorée
Lorsque le maître a fini sa curée ,
Et bien repu s’abandonne au sommeil,
Il est alerte à l’instant du réveil,
Et toujours l’œil sur la griffe royale,
U s’affranchit de tout droit de régale.
Du seul instinct ce manège est le fruit ;
Quel don que cet instinct de la gent animale !
L’homme est par sa raison peut-être mieux instruit,
Mais il n’est pas si bien conduit.
Témoin l’accident d’un vieux mage
Que Sadi nous a raconté.
Pour servir de morale
Au fait du Siagos. Le dévot personnage
S’endormit auprès du feu
Et fut brûlé par son dieu.
Le Siagos est plus sage.
“Le Siagos, le Mage”