Louis Tremblay, l’Esope chrétien
Dans une fête de village
Un homme avait dressé son théâtre ambulant,
Où plus d’un acteur excellent
Devait jouer avec talent
Maint drame illustre et maint illustre personnage
— A preuve, qu’on l’avait tout au long affiché
Sur la grand’place du marché. —
Or, en avant du seuil du théâtre nomade,
Sur deux tréteaux, deux bouffons à longs nez
Comme Callot en a tant dessinés,
Pour attirer les gens faisaient une parade;
Et le public venait en masse à cet appel
Quo formulaient cymbale et grosse caisse
(Car le bruit, on le sait, c’est là l’essentiel
Pour que la foule à votre seuil se presse).
Or chacun arrivait, se groupait, se pressait
De manière à ne plus y laisser une place,
Pour entendre Gille ou Paillasse,
Lequel goguenardait, riait, s’ébaudissait…
Mais cette foule, satisfaite
De ces lazzis plus ou moins plats,
Restait, amusée et distraite,
Devant la porte… et n’entrait pas !
— Dans cette vie, hélas! théâtre aussi, théâtre
Où l’on voit sur le seuil, grimaçant et chantant.
Maint saltimbanque et baladin s’ébattre,
Combien d’hommes en font autant!
— Dans cette humanité qui porte
En ses laborieux et longs enfantements
Bien des graves leçons, bien des enseignements,
Que d’hommes restent à la porte !
“Le Théâtre de la Foire”
Ils tournent la tête vers le bruit plutôt que vers la vérité.
(Dante.)