Au pied de cette tour que la noire Thémis
De son horloge a décorée,
On voit un instrument où chaque jour gratis.
Dans sa prison de verre, une liqueur pourprée,
Dit au peuple badaud S’il gèle ou s’il fait chaud.
Devant cet oracle fidèle,
Depuis une heure au moins, en décembre dernier,
Un homme faisait sentinelle.
C’était un profond marguillier
Pour éclairer Paris venu de sa province,
Ayant d’ailleurs, avec un corps épais,
La visière assez courte et l’esprit assez mince.
Or, ce bourgeois lorgnant de près
Le tube indicateur, faisait par son haleine
Monter la savante liqueur,
Tandis que près de lui Borée, en sa fureur.
D’un parquet de cristal déjà couvrait la Seine.
Un passant reconnaît l’observateur transi,
Le tire par la manche, et lui dit : » D’un catarrhe,
» Compère, vous voulez faire l’emplette ici ?
» Mais le bourgeois répond : » Tarare !
» Ne me dérangez pas…. le temps s’est adouci
» Déjà…. de trois degrés…. par ma persévérance…
» C’est un miracle…chut !… tout bas je vous le dis…
» Le bois est cher, je soulage la France…
» Un marguillier se doit à son pays ».
L’autre, en courant, laissa cette pécore
Qui souffle et se morfond encore.
Vous riez de ce sot ; moi, j’en connais plus d’un
Qu’on n’a point conspué pour semblable méprise.
Dans les hauts rangs ce travers est commun.
Aux effets passagers de sa propre sottise
Un fat croyant par vanité,
Prend le signe souvent pour la réalité.
“Le Thermomètre du quai de l’Horloge”les deux Amis.