Édouard Parthon de Von
Poète, homme d’état et fabuliste XVIIIº – Le Torrent et le Ruisseau
Avec fracas, du haut de la montagne
Dans la plaine un torrent précipitait son eau;
A ses côtés, un limpide ruisseau,
En serpentant, fécondait la campagne. .
— Que mon destin est glorieux,
Et qu’il doit faire d’envieux ! »
S’écriait le torrent; de victoire en victoire,
Je marche en conquérant; pour mes flots quelle gloire !
« La majesté, le bruit, accompagnent mes pas.
« Mon petit ruisselet, ne voudriez-vous pas
« Qu’un tel sort fût votre partage ? »
« — Non, vraiment, il aurait pour moi fort peu d’appas, »
Répondit le ruisseau, « pardonnez ce langage.
« Vos flots, je le conçois, peuvent vous rendre fier,
« Mais je vous vis à sec hier,
« Et, de nouveau, dans peu de jours, je gage,
«Votre lit aux passants servira de chemin,
« Riche aujourd’hui, pauvre demain,
« Vous dites vrai, vous êtes bien l’image
« Du conquérant, ou plutôt du joueur,
« Pour moi, qui goûte peu les émotions vives,
« Je m’arrangerais mal de ces alternatives.
« Mon doux murmure et ma fraîcheur
Égayeront encor ces campagnes, j’espère,
« Quand le silence de la mort
« Remplacera le bruit dont vous troublez la terre,
« Mon existence me plaît fort,
« Je ne veux pour bénir mon sort
« Qu’une fortune humble mais sûre,
« Un cours modeste mais qui dure.»
Édouard Parthon de Von