Timoléon Jaubert
Poète, magistrat et fabuliste XIXº – Le vieux renard et la poulette
Dès longtemps un renard cassé, goutteux, étique,
Dans un bois débitait ses fleurs de rhétorique.
Assister à son prêche était une faveur.
On y voyait lapins, belettes,gélinottes,
Poules, perdrix, dindons, quelques vieilles marmottes ;
La bécasse surtout brillait par sa ferveur.
Tous se convertissaient.-Frères, disait l’apôtre,
Ai-je jamais cherché d’autre bien que le vôtre ?
L’homme seul vous trahit ; l’homme est né pour le mal;
Il cache dans la ruse un génie infernal ;
Parmi nous, chaque jour, il choisit sa victime;
Il verse notre sang ; verser le sang, quel crime !.
A moi de démasquer ce lâche destructeur.
Et des larmes coulaient des yeux de l’orateur.
Par un beau soir d’hiver, l’illustre solitaire
Flairait, le nez auvent. – Je viens en vous, mon père,
Lui dit une poulette, épancher mes douleurs.
L’autre jour du sermon je sortis tout en pleurs.
De quels contes ma mère a bercé mon enfance !.
Elle me répétait : Ayez de la prudence ;
Les renards savent plus d’un tour.
Le prêcheur répondit : – Petite, je suis sourd ;
Viens-tu me consulter sur quelque grave affaire ?
L’avis du pauvre vieux est parfois salutaire.
Approche, ne crains pas de troubler mon repos,
Chère enfant ; pour le bien je suis toujours dispos.
Là penche-toi vers mon oreille ;
Quel malheur d’être sourd !. viens plus près à merveille.
Tu disais donc que l’un des tiens.
–Mais vous serrez je crois. – Poulette,je te tiens.
-Infâme ! dit la pauvre bête.
– Soit ; je te tiens, et par la tête ;
Une autre s’y prendra demain ;
Sans mes sermons, vingt fois je serais mort de faim.
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Que pensez-vous du tour, amis ? il est pendable !
Qui de vous n’a connu le renard de ma fable ?
Timoléon Jaubert