Un villain nourrissait une chouette qu’il aimait beaucoup, et l’instruisit si bien, qu’il lui apprit à parler. Un voisin lui tua son oiseau : il le cita à la justice, et raconta au juge comment cet oiseau parlait et chantait toute la matinée. Le juge dit que le voisin avait mal fait t et il le manda à son tribunal. Au jour que celui-ci devait comparaître, il prit un cuir qu’il cacha sous son manteau, ayant soin d’en laisser pendre un des bouts pour faire entendre au juge qu’on le lui donnerait pour récompense du gain de la cause: il entr’ouvrit souvent son manteau, si bien que le juge le comprit. L’autre villain étant appelé, le juge lui demande ce que chantait la chouette et quelle parole elle disait. Il répond qu’il n’en sait rien. « Si tu n’en sais rien, et si tu ne comprenais point ses paroles ni son jargon, comment veux-tu que l’on te fasse réponse. » Celui-ci s’en alla sans avoir eu justice, à cause du cadeau qu’avait fait son voisin.
Les princes et les rois ne doivent point confier leur pouvoir à des gens avides; car dès-lors il n’y a plus de justice.
“Le Villain et la Chouette”