Louis Tremblay, l’Esope chrétien
Un homme qui riait de Dieu
— Et de ses lois, en conséquence, —
Avait surpris en certain lieu
Que l’on supposera, je pense,
Un sien valet
Qui le volait
Tout aussitôt de faire du tapage
Aux oreilles du voisinage,
S’écriant que c’était infâme, vil, affreux
Qu’un tel homme avec un tel vice,
Et qu’on était bien malheureux
D’avoir des gens pareils à son service !…
—Tout doux, notre esprit fort, tout doux,
Lui réplique un voisin ; ce valet est coupable,
On ne peut pas le nier. Mais soyez raisonnable :
D’après votre Credo, que nous connaissons tous
Au nom de quelle loi le condamnerez-vous?
Car c’est la loi seule qui fait le crime ;
Vous le savez, sans loi le mal ne serait pas,
Et tout penchant abject et bas
Ne serait plus qu’un instinct légitime. (1)
Mon cher athée , or donc, pesez bien ceci : quand
Vous punissez qui met vos leçons en pratique,
Vous êtes un inconséquent;
Et votre domestique En vous volant a fait de la logique. »
— Vous qui criez à cet amour du moi,
À l’égoïsme affreux qui ronge toute chose,
Tout en niant cet amour dont la loi
Fait un devoir d’aimer les autres comme soi,
— Cette loi du chrétien qui seule nous l’impose,
— Vos plaintes, vos hélas ! ont la même valeur
Que cet homme criant à l’infâme ! au voleur !
“Le Voleur et l’Athée”
(1) Sans la loi le péché était comme mort (Rom., VII, 8.)
Nous calculons les difficultés qui viennent des choses, jamais celles qui viennent de nous.
(Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues , écrivain français, moraliste et aphoriste… etc…)