Une Linotte aimait dès son jeune âge
Un Linot de son voisinage.
Celui-ci la payait du plus tendre retour ;
Mais à peine il fut en ménage,
Qu’il lui témoigna moins d’amour.
Monsieur, sans elle, allait chanter sur la montagne,
Et d’arbre en arbre voltiger.
La Linotte, d’abord, ne sut que s’affliger.
Au lieu d’être touché des pleurs de sa compagne,
Plus rarement encore, au nid,
L’infidèle revint la nuit.
Un beau soir, il advint qu’après trois jours d’absence,
Comme il rentrait en son logis,
Il fut tout étonné d’y trouver des amis
Dont il n’avait point connaissance.
La Linotte honorait tour à tour d’un coup d’œil
Moineau, Pinson, Rossignol et Bouvreuil,
Les regardait d’un air de bienveillance,
A tous faisait un doux accueil,
Non, cependant, comme on le pourrait croire.
Qu’elle eût perdu tout le soin de sa gloire :
C’était une Linotte et de bien et d’honneur.
Un peu coquette, mais très-sage ;
Puis un petit coin de son coeur
Etait encore à son volage.
Mais s’il n’en fut pas pour l’outrage,
II en fut du moins pour la peur ;
Gronda, se mit fort en colère,
Lui dit des mots cruels, des menaces avec ;
Jura de percer de son bec
L’oiseau perfide ou téméraire
Qui… Mais l’interrompant :
« De quoi vous plaignez-vous ? »
Dit la Linotte à son époux ;
« Quand je suis seule, je m’ennuie ;
Restez, demain je congédie
Moineaux et Bouvreuils et Pinsons.
Chantez, des Rossignols je fuis les plus doux sons.
Ma conduite est bien naturelle,
Et pour vous l’expliquer il ne me faut qu’un mot :
Je suis Linotte et vis en femme de Linot ;
Demain soyez Ramier, je serai Tourterelle. »
Rassurez-vous, Messieurs, ce n’est point un modèle
Qu’à la femme, en ces vers, je veuille proposer.
Je me garderais bien d’oser
Du Linot et de vous faire le parallèle :
Où serait la comparaison ?
Il profita de la leçon,
Demanda sa grâce bien vite,
Aussitôt changea de conduite.
Comprit qu’il est pour tous des devoirs et des droits ;
Retrouva son nid beau, sa femelle adorable :
Comme autrefois il fut aimable,
Et fut aimé comme autrefois.
“L’Ecole des Linots”