Un homme qui conduisait des chevaux de manège s’avisa, pour montrer une chose fort curieuse, de dresser un âne aux courses, aux sauts, aux tours et aux exercices d’équitation. Ayant donc mis une selle et une bride au baudet, il le monte et commence son éducation. D’abord sa monture reste immobile comme un âne de bois. Il veut la faire marcher, touche de l’éperon ; elle part alors de tout son galop. Il veut modérer cette ardeur et cette vivacité en tirant les rênes ; l’âne ne le sent pas. Il tire plus fort ; l’âne s’arrête tout court. « Si tu ne sais que courir trop ou trop peu, lui dit le maître, nous ne ferons pas grand chose de toi. Essayons de te faire trotter en rond. » Il pique ; le baudet part. Voulant lui faire parcourir un cercle, il tire l’une des rênes un peu rudement, sachant par expérience que son âne n’avait pas la bouche très-fine ; l’animal fait un tour sur lui-même et reste là. « C’en est assez, dit alors l’écuyer, descendant et ôtant au baudet et la bride et la selle ; je renonce à faire de toi un âne de manège : tu ne peux que rester ce que tu es. »
“L’Ecuyer et l’Ane”