L’Églantier disait à la Rose :
Ma sœur, expliquez-moi la cause
Pour laquelle on fait fi de moi ?
Pourquoi
Je vois ma fleur si fraîche à ce point délaissée ?
Mon cœur certes n’est point jaloux,
Et je me plais, autour de vous,
A voir cette foule empressée,
Admirer vos vives couleurs.
Oh ! ma sœur, vous êtes bien belle !
Mais j’en connais parmi les fleurs,
Je puis vous citer telle ou telle
Qui, selon moi, sur plus d’un point,
Peut-être ne me valent point.
La Rose répondit : toutes deux, par nature,
Nous avons un bien grand défaut :
Je vous le dis, puisqu’il le faut.
Ne le prenez point pour injure,
Notre tige de bas en haut
Porte des aiguillons dont l’affreuse piqûre
Blesse à tort les plus jolis doigts.
Et voilà le motif, je crois,
Qui fait, ma sœur, qu’on vous néglige.
Pour plaire, la raison l’exige,
Corrigeons-nous de nos défauts :
Telle est ma morale en deux mots
Beauté, comme noblesse, oblige.
“L’Eglantier et la Rose”