Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – L’Éléphant et le Renard
Roi sensible et doué du meilleur jugement,
L’éléphant du renard fit son premier ministre.
Une heure après, sur lui tournant un œil sinistre :
Qu’on l’enferme, dit-il, et très étroitement.
On fait plus d’une conjecture
Sur ce bizarre événement ;
On l’attribue à quelque intrigue obscure ;
Et personne n’en peut deviner la raison.
Un an s’écoule, et la prison
Fut ouverte au renard par le prince lui-même.
— De mes états, mon cher, viens prendre le timon.
La surprise alors fut extrême ;
On raisonna bien plus, et l’on n’y vit pas mieux ;
Le temps seul ouvrit tous les yeux.
Le ministre, éprouvé par un tel séminaire,
Comprit qu’il était dur d’être à tort maltraité,
Se défendit l’humeur, encor plus la colère,
Jusque dans ses refus fit voir de la bonté ;
Et, dans le cours heureux de son long ministère,
Nul sujet enlevé par un ordre arbitraire
N’eut à pleurer sa liberté.
Étienne Fumars, L’Éléphant et le Renard