Jean-Joseph Vadé
Dans une foire un jeune enfant
Promené par sa gouvernante,
Contemplait d’un œil dévorant
Maints beaux colifichets : tout lui plaît, tout le tente ;
Il veut Polichinelle, ensuite un porteur d’eau,
Et puis il n’en veut plus. — Voulez-vous une épée ?
— Ah ! oui, mais non ; j’aime mieux ce berceau.
Il l’eut pris, sans une poupée qui le séduisit de nouveau.
On la lui donne ; en sautant il l’emporte,
Chez la maman le voilà de retour :
Aux gens du logis tour à tour
Il fait baiser l’objet qui d’aise le transporte ;
Depuis le matin jusqu’au soir
De chambre en chambre il la promène :
S’il faut aller coucher, il la quitte avec peine,
Et s’endort en pleurant dans les bras de l’espoir ;
En dormant il en rêve, et le jour lui ramène
Sa Mimi ; qu’on l’apporte ; et vite, il veut la voir !
Pendant près de huit jours, avec exactitude
Fanfan joue avec sa catin.
Il paraissait content ; mais le petit coquin
De la possession se lit une habitude.
L’habitude et le froid se tiennent par la main :
Le froid donc s’ensuivit et le dégoût enfin.
Combien de belles sont trompées !
Combien de volages amants !
Hommes, vous êtes des enfants,
Femmes, vous êtes des poupées.
“L’Enfant et la Poupée”