Que j’aime une image naïve
Qui soit en apparence une leçon d’enfant,
Et qui pour le sage instructive
Renferme un précepte important !
Les grandes vérités charment sous cette écorce ;
On ne les attend point, et d’abord on les voit ;
Cette surprise y donne de la force.
Un exemple, dit-on ; eh bien, exemple ; soit.
Philosophiquement, si je vais dire à l’homme,
Contente toi de médiocrité ;
Il ne t’en coûtera le repos ni le somme ;
Tu l’auras sans difficulté.
Mais par mille projets je te vois agité ;
Tes desirs n’ont point de limites ;
Toutes fortunes sont à ton gré trop petites ;
Tu veux tout ; tout échape à ton avidité.
Belles leçons ! Mais l’homme y bâille,
Que faire pour le réveiller ?
Or voici comme j’y travaille ;
Je lui conte une fable ; il cesse de bâiller.
Un jeune enfant, je le tiens d’épictete,
Moitié gourmand et moitié sot.
Mit un jour sa main dans un pot
Où logeoit mainte figue avec mainte noisette.
Il en emplit sa main tant qu’elle en peut tenir ;
Puis veut la retirer ; mais l’ouverture étroite
Ne la laisse point revenir.
Il n’y sçait que pleurer ; en plainte il se consomme ;
Il vouloit tout avoir et ne le pouvoit pas.
Quelqu’un lui dit, (et je le dis à l’homme, )
N’en prends que la moitié, mon enfant ; tu l’auras.
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731
, L’Enfant et les Nois.