De jeunes corbeaux venoient de quitter leur nul, ils étoient déjà grandelets et conimenroient à voler. Leur père, avant de les abandonner à eux-mêmes, crut devoir cependant leur donner quelques leçons. Il leur parla donc des dangers différents qui alloient les menacer de toutes parts, et leur apprit comment il falloit s’en garantir, recommandant sur toutes choses d’être circonspects et défiants. «Par exemple, dit-il, si vous voyez un homme se baisser pour ramasser pierre ou bâton, n’attentiez pas qu’il soit relevé, commencez d abord par vous envoler.— Mais s’il ne se baissoit pas, répondirent les corbeaux, nous pourrions rester, n’est-il pas vrai? Il est évident qu’alors nous n’aurions rien à craindre de lui.- Eh! qui vous répondra, reprit un de la bande, qu’il ne porte point dans sa poche de quoi vous tuer ! Mes frères, croyez-moi, le plus sûr est de nous enfuir.— Mon enfant, dit le vieux père à celui-ci, tu en sais assez pour n’avoir plus besoin de moi : adieu, pars, me voilà rassuré sur ton compte. Quant à tes frères, je vois qu’il leur faudra encore « quelques leçons. »
Notes :
Desperriers a inséré cette fable parmi ses contes. Chez lui seulement c’est une pic au lieu d’un corbeau. La mère veut se débarrasser de ses petits : ils lui représentent qu’ils ont peur d’être tués par les arbalétriers. Elle répond qu’il faut du temps pour tendre l’arbalète, pour la leveret la mettre en joue, et qu’ainsi ils auront celui de s’envoler. « Mais, ma mère, s’il alloit prendre une pierre? —Eh bien! auparavant ne la lui verrez-vous pas ramasser?— Oui sans doute; mais il n’a qu’à l’avoir dans sa poche ? — Oh ! oh ! puisque « vous êtes si habiles, répond la pie, vous pouvez vous passer « de moi ; et en parlant ainsi, elle s’envole.”Les Corbeaux”
- Fable liée : Inspiré par cette fable Guy Le Ray rend hommage à Marie de France : Le Corbeau et ses Petits.