Les crimes, une nuit, échappés du Tartare,
Du monde consterné parcouraient les climats ;
Nuit horrible, où leur main barbare
Avec impunité sème les attentats.
Des meurtres, des assassinats,
Au voyageur tremblant attestent leur passage.
La nature s’éveille et se plaint qu’on l’outrage.
Écho, dont la voix fait frémir,
Ne répond qu’à des cris de douleur et de rage.
On entend Dioné gémir
A l’approche du sang qui couvre son rivage.
Dans le sein des sillons les germes corrompus
N’engendrent que d’affreux reptiles :
La mort a pénétré dans les plus sûrs asiles ;
Les murs sont démolis et les verroux rompus.
Fiers du trouble où leur rage a plongé la nature,
Les crimes marchaient à grands pas.
L’herbe meurt sous leurs pieds, et semblable aux frimats
Le souffle de leur bouche impure
Des forêts d’alentour fait jaunir la verdure.
Cependant, appuyé sur un bâton noueux,
Le châtiment sévère, en boitant, suit leurs traces.
Ils l’aperçoivent derrière eux,
Ils raillent sa lenteur et bravent ses menaces ;
Mais, constant à les suivre, il trompe leur effort ;
Sur leurs pas tortueux il attache sa vue :
L’heure de la vengeance enfin étant venue,
Il les atteint, les frappe, et les livre à la mort.
“Les Crimes et châtiments”