Deux colombes aux champs erraient de compagnie
Cherchant millet et chènevis ;
Mais, la neige sur la prairie
Étendant son épais tapis,
La campagne n’offrait qu’une surface aride.
La faim est un imprudent guide,
Et l’une des deux sœurs, par malheur l’écoutant,
S’aventure aussitôt sous le toit d’une ferme.
Une main perfide la prend
Et dans une cage l’enferme.
La pauvrette dans sa prison
Serait morte bientôt ; mais, à sa sœur fidèle,
L’autre colombe à tire d’aile,
Quand tout dormait dans la maison,
Revenait, sainte fugitive,
Visiter la triste captive
Et lui glissait les plus tendres baisers.
On assure depuis qu’une jeune fermière,
Apportant sous le chaume un cœur aux doux pensers,
A, — de ses mains prenant la prisonnière
Et la pressant sur son sein agité,
Les yeux tournés vers la riche campagne,
— Rendu cette colombe à sa noble compagne
Et le couple à la liberté.
Vous dont l’âme voltige autour de nos bastilles,
Frères, merci de votre amour.
Malgré les cadenas et les flots et les grilles
Nos cœurs à tout instant du jour
Avec les vôtres fraternisent
Et dans ce toucher s’électrisent !
Et bientôt, en tous lieux, par chacun répété,
Ce cri puissant : Amnistie! amnistie!
Parti du sein de la patrie,
Arrachera nos jours à la captivité.
Ponton de Cherbourg, 1848.
“Les deux Colombes”, Joseph Déjacque, 1821 – 1864