Un Enfant joli comme un cœur,
Mais léger, étourdi, jouant avec sa sœur,
Aperçut par hasard au logis de son père
Une Montre qui cheminait
Et sonnait.
Curieux, il la considère ;
Bientôt il entend : un, deux, trois.
Ce bruit l’étonne ; il veut en savoir le mystère.
Voilà qu’avec ses petits doigts
Il la prend doucement, la porte à son oreille ;
Puis dit : Ma sœur, viens vite ; oh ! Le charmant oiseau
Qu’on a mis là-dedans ; c’est qu’il chante à merveille.
Qu’il doit être gentil et beau !
La sœur vient, examine. Oh ! que nenni, mon frère ;
C’est bien une souris qui cause ce bruit-là.
Prends-donc garde, elle te mordra.
— Une souris ? Voyez ! Je gage le contraire.
Cela dit, le marmot s’efforce de l’ouvrir.
L’esprit tout plein de sa chimère,
Il la tourne, retourne, et n’y peut réussir.
Il faudra bien que l’oiseau sorte,
Dit-il ; et là-dessus, il s’en va, puis rapporte
Un caillou qu’il choisit bien gros, bien arrondi ;
Sur le parquet la Montre est mise ;
Le bras levé, voilà que mon jeune étourdi
Lance aussitôt la pierre ; et la Montre se brise.
Adieu roue et ressort ; tout n’est plus que débris.
Nos bambins regardaient avec grande surprise ;
Mais point d’oiseau ni de souris.
Ces Enfants curieux n’offrent-ils pas l’image
De nos esprits soi-disant forts,
Qui du corps et de l’âme, inconcevable ouvrage,
Veulent deviner les ressorts ?
Leur orgueil insensé va creusant des mystères
Qu’ils ne peuvent pas concevoir.
Le doute les accable ; et ces fous téméraires,
Souvent dupes de leur savoir,
Détruisent dans leurs cœurs, à force de chimères,
Jusqu’au Dieu qui les fait mouvoir.
“Les deux Enfants et la Montre”