Christian Satgé
Fabuliste contemporain – Les deux Frères
Deux phacochères étaient frères comme cochons.
Mais l’un d’eux était de loin le plus ronchon :
Il lui incombait, et à lui seul, corvées et tâches
De la maison pendant que l’autre et ses moustaches
Se prélassaient au lit, se vautraient en sofa,
Réclamant à manger, critiquant ci ou ça…
« Si tu en veux, fais-le toi-même ! hurla l’autre
Un jour qu’il fut à bout. Cet antre-ci est nôtre
Depuis que nos parents en sont plus. J’y fais tout !
– C’est parce que je suis maladroit… et pour tout
Ce que je fais ! Maman l’avait bien compris, elle.
C’est pour cela que le ménage et la vaisselle,
Le bricolage, et puis le jardinage aussi,
Furent pour toi qui toujours, en tout, réussit !
– Elle ne savait pas que calcul et paresse
Te faisaient occulter tes talents et adresse !
– Si fait !… Je cassais et ratais à dessein
Pour qu’on me fiche la paix. Est-ce si malsain
De décider, un matin, qu’on ne vous demande
Plus rien à faire et n’en tirer réprimande ?!
– Je ne suis pas notre mère, alors bouge-toi !
Sinon je te botte le cul comme le père
Faisait. Et souviens-toi que moi, sous ce toit,
Ce que je fais, je le fais fort bien, faux frère !
Il n’est nulle ruse qui ne soit éventée,
Souventes fois par qui l’avait inventée,
La dupe lasse, alors, par souci de justice,
Fait payer très cher tout ce qui fit préjudice ! »
Christian Satgé
*Voir d’autres fables de Christian Satgé sur son Blog : Les rivages du Rimage