Deux levrauts, bons amis,gambadaient dans la plaine,
Et, sans aucun souci, broutaient le romarin,
Mais ils virent bientôt accourir hors d’haleine
Un vieux chasseur, l’arme à la main.
« Tiens, dit l’un des levrauts, cet homme m’épouvante !
Et cette machine luisante
Qu’il tient avec grand soin pourrait nous attraper.
C’est peut-être un engin fait pour nous écharper !
Partons d’ici, rentrons dans nos sombres cachettes.
N’allons pas exposer follement notre peau.
Je connais sur le mont, loin du trou des belettes ,
Un bon petit abri dans le tronc d’un ormeau.
Vite, courons, l’ami, grimpons sur la montagne ;
Il n’est pas trop prudent d’être en rase campagne ;
Si nous restons ici, gare les accidents !
J’ai peur qu’on nous casse les dents ! »
L’autre, loin d’écouler cet avis salutaire,
Trouva que le danger n’était pas si pressant ;
Il resta pour brouter la naissante bruyère.
Le chasseur le vit on passant,
Et d’un coup de fusil, vous retendit par terre
En lui disant : « Décampe si tu peux. »
Quand survient le danger, le vrai sage l’évite,
Ou du moins, dans ce but il agit pour le mieux.
L’insensé ne voit rien, car il ferme les yeux ;
On lui donne un conseil, il tâtonne, il hésite,
Et rend son cas plus désastreux.
Amis qu’un bon conseil soit toujours précieux.
“Les deux Levreaux et le Chasseur”