Un Loup qui cherchait aventure
En rencontre un second courant même hasard.
Ces Loups étaient à jeun. Ils virent à l’écart
Je ne sais quel objet. Voici de la pâture,
Dit l’un des affamés. Je l’aurai pour ma part.
— Non pas, s’il vous plaît, reprit l’autre,
Je l’ai vu le premier : c’est quelque mouton gras
Que fortune m’envoie. Il est mien, et non vôtre.
— C’est un chevreau, je pense, et vous ne l’aurez pas.
Il fallut guerroyer. Mes gens étaient de taille
A ne pas reculer. De propos en propos
Ils s’échauffent tous deux, et se livrent bataille.
Quand il s’agit d’un mets les Loups sont des héros.
Le combat fut sanglant ; je ne veux pas décrire
Ce qu’ils mirent d’audace, et de ruse, et d’effort ;
Ce serait chose longue à dire.
Pour faire court, l’un d’eux fut couché raide mort.
Le vainqueur courut à sa proie,
Les poumons essoufflés, les sens encore émus,
Ne rêvant que mouton. Imaginez sa joie !
C’était une ombre, et rien de plus.
Ne nous en moquons pas ; j’ai vu des gens sans nombre
Qui, non moins affamés, couraient comme des fous
Au plaisir, à la gloire ; et, véritables Loups,
Se battaient souvent pour une ombre.
“Les deux Loups”