Vers la fin du printemps, saison des pâquerettes,
Saison riche pour les poètes,
Mais bien pauvre pour les oiseaux,
Aux champs habitaient deux moineaux.
Bientôt, n’ayant plus de quoi vivre,
Au désespoir le plus jeune se livre.
L’autre lui dit: Je vais au loin
Pourvoir à ce pressant besoin;
Sans doute le ciel aura soin
De veiller à notre existence.
Que des grains ou des fruits tombent en ma puissance,
Je les cueille et viens sans retard
T’apporter la meilleure part:
En attendant, prends patience.
Adieu! Disant ces mots, il part.
Longtemps il vole en vain; rien ne s’offre à sa vue.
Sur le soir, cependant, il trouve un cerisier;
Or, les fruits étant mûrs, il mange à plein gosier,
Il mange, le glouton, jusqu’à la nuit venue.
Et, trop vite oubliant que son frère avait faim,
Il s’endort jusqu’au lendemain.
Au lever du soleil, vers le nid il se hâte,
Portant des fruits au bec, des fruits à chaque patte.
Il vole, vole, arrive; hélas ! il n’est plus temps,
Car son frère était mort depuis quelques instants.
Tel, issu des rangs populaires,
Au pain des grandeurs s’engraissa,
Qui laisse dans l’oubli le nid qui le berça,
Et dans leur infortune abandonne ses frères.
“Les deux Moineaux”
- Pierre Lachambeaudie – 1806 – 1872