Pierre Louis Solvet
Homme de lettres, écrivain et analyses des fables – Les deux Mulets
Études sur Les deux Mulets de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812
IV. Les deux Mulets.
Phedre L. II, fable 7 V. 5
Il marchait d’un pas relevé.
Rime qu’on appelle suffisante. La Fontaine pouvait mettre d’un pas dégagé, pour mieux répondre à chargé (Ch)
Qu’il nous soit encore ici permis de n’être pas tout-à-fait de l’avis de Chamfort : car pas dégage et pas relevé nous semblent très-différents. Le premier indique une démarche qu’on peut se
permettre sans trop d’affectation; le second, celle d’un sot qui se donne des airs, et qui marche, suivant l’expression commune, le pied levé, la tête au vent. Si, comme dit Chamfort, il n’y a tout juste en cet endroit que rime suffisante, c’est qu’ainsi qu’en beaucoup d’autres, La Fontaine en a sacrifié le superflu à la justesse de l’expression.
Au rapport de M. Boisard, il portait l’impertinence jusqu’à méconnaître son père,ce Mulet orgueilleux: nous disons ce Mulet, car il y a tout lieu de conjecturer que c’est le même, en effet, que le moderne Fabuliste aura prétendu rappeler à notre souvenir, quand, dans sa Fable du Pauvre Âne, il fait dire à celui-ci, eu parlant de son fils, le Mulet dont il est question :
Charge de l’or du fisc, il s’est bientôt trouve
Un personnage d’importance ;
Depuis qu’il est entré dans la Dante finance,
U marche d’un pas relevé ,
Et sans me regarder ; j’en pleure quand j’y pense,
L’insolent avec moi prend le haut du paré.
Liv. I, fable 14 recueil de 1805.
V. 6. Et faisait sonner sa sonnette.
Vers heureux d’harmonie imitative qui s’est trouvé sous la plume de l’auteur. (Ch.)
V. 9. Sur le Mulet du fisc une troupe se jette,
Le saisit au frein et l’arrête.
Arrête, qu’on fait rimer ici avec jette, est une prononciation picarde. Les Picards font brefs plusieurs mots qui doivent se prononcer longs, et La Fontaine s’est permis plus d’une fois cette espèce de licence assez commune dans le style familier au temps où il écrivait.
V. 18. Si tu n’a vois servi qu’un meunier comme moi, etc.
Construction vicieuse : Si comme moi tu n’avais servi, etc. La Fontaine ne manque pas, du moins autant qu’il le peut, de mettre la morale de son apologue dans la bouche d’un de ses acteurs. Cette Fable des deux Mulets est d’une application bien fréquente. (Ch.)
(Études sur les fables de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812)
Autre analyse