Un Vase brillant et fragile
D’un boudoir faisait l’ornement,
Vase inutile, mais charmant.
Un autre, de commune terre,
Dans la cuisine se trouvait,
Vase grossier, mais nécessaire ;
Le Pot-à-Soupe il se nommait.
Un jour, les portes entr’ouvertes
Leur permettant de s’entrevoir,
Le Pot-au-Feu, tout gras, tout noir,
Osa (bien hardi fut-il, certes)
Saluer le Pot du boudoir.
Celui-ci, plein de suffisance,
Ainsi que l’on le pense bien,
Ne fit pas mine d’en voir rien.
Et ni du goulot ni de l’anse,
Il ne rendit la révérence.
Le soir (le sort fait de ces coups)
Au château, des deux la patrie,
Éclate un affreux incendie
Qui met tout sens dessus dessous.
Pêle-mêle chacun transporte
Vite partout le mobilier,
Et le hasard fait que l’on porte
Nos pots dans le même grenier ;
Trop heureux, à cette aventure,
D’avoir échappé sans fêlure !
Côte à côte dans ce taudis,
Ils se regardent ébahis :
Et le doré qui se désole
De n’être plus sur sa console,
Vers son voisin pousse un soupir ;
Et plein d’une douleur amère.
En gémissant lui dit : « Mon frère,
Hélas ! qu’allons-nous devenir ?»
Cela, c’est notre histoire à tous tant que nous sommes.
Il est fort peu d’exceptions.
Le malheur rapprochant les hommes.
Nivelle les conditions.
“Les deux Vases”