Certaine chatte douairière
Avec une autre vieille, un jour s’entretenait ;
Devinez sur quelle matière !
C’était d’amour qu’il s’agissait.
Sur l’amour on ne tarit guère
(Je ne parle que du caquet).
Femelle d’homme une journée entière
En jasera sans se faire prier ;
Femelle de matou parfois aussi babille
Sur ce chapitre un jour entier.
Celle que j’introduis en son temps fut gentille ;
L’autre vieille était chatte aussi de son métier.
« Ne trouvez-vous pas, ma commère.
Qu’en amour, comme en tout, le siècle dégénère.
Et que nos jeunes chats, autrefois si galants,
Sont devenus grossiers, brutaux, impertinents ?
— Mon dieu, j’en suis choquée autant que vous, ma chère :
Leurs procédés font mal au cœur.
Jadis il n’était pas de si laide gouttière
Qui ne parût charmante aux yeux du chat vainqueur.
Dont j’y récompensais la tendresse sincère
Par quelque légère faveur.
Nos plus jeunes minets alors étaient fidèles.
— Ma chère, vous rouvrez des blessures cruelles.
Dit l’autre, et je connais bien des ingrats aussi !
Un chat les entendait : « Le beau train que voici !
Avez-vous tout conté, mes deux bonnes amies ?
Dit-il en rompant l’entretien :
Quand nous étions galants, vous étiez plus jolies.
Grondez, emportez-vous ; vos cris n’y feront rien.
Vous ne remarquez pas que vous êtes vieillies ;
Mais pour nous nous le voyons bien.»
Coquettes, qui briguez vainement la louange,
Quand de vos veux éteints les ris sont délogés,
Vous criez que le siècle change,
Tandis que c’est vous qui changez.
“Les deux Vieilles Chattes”