Loin des maîtres et des parents,
Un troupeau d’écoliers, sortis de tous les rangs,
Jouait dans la campagne ; et tout enfant qui joue,
Tout écolier en liberté,
Par l’attrait de mal faire est toujours emporté.
Or, ceux-ci s’amusaient à se couvrir de boue.
Plus le linge était blanc, et plus à le salir
Mes gamins trouvaient de plaisir.
Malheur aux pantalons de soie !
Malheur aux habits de drap fin,
Aux chapeaux de castor, aux gilets de satin!
Chaque tache excitait de longs éclats de joie,
Et la fange sur eux pleuvait de toute main.
Un étranger, passant par ces parages,
Leur demanda de quels sauvages
Ils étaient la postérité.
« Monsieur, dit un espiègle, élève de seconde,
Nous sommes de Paris, la royale cité
Des beaux-arts, du bon ton, de la civilité
Et du premier peuple du monde.
— C’est bien, dit l’étranger; continuez; c’est bien.
Jetez-vous de la boue, et ne ménagez rien ;
Aucun jeu n’est pour moi plus charmant que le vôtre;
Et si vos pères vous grondaient,
Si vos maîtres vous gourmandaient,
Dites-leur qu’ils n’en font pas d’autres. »
“Les Ecoliers émancipés”
- Jean-Pons-Guillaume Viennet 1777 – 1868