Jean ne savait à quel saint se vouer
Pour ôter aux oiseaux le goût de ses cerises
Déjà sans fruit il avait fait jouer
Ces vieilles ruses, ces surprises
Dont la tactique des guerriers
Enrichit Fart des jardiniers.
Toutes les nuits dans ses rêves il cherche
Quelque terrible épouvantai!;
Puis le matin notre homme est au travail.
Tantôt il forme au sommet d’une perche
Un soldat, lance au poing, nez tors, œil à l’envers,
Et sur le tout grand chapeau de travers.
Tantôt il plante un vautour d’écritoire,
Crins flottans, griffe sèche, et longue robe noire.
Semblable au fameux sculpteur
Qui fabriqua le maître du tonnerre,
De ses épouvantails Jean lui-même a grand’peur;
C’est que Jean a connu les procès et la guerre.
Il n’en est pas ainsi de la bande légère
Du petit peuple maraudeur;
Car les voilà qui vont, par moquerie,
Pincer le nez de l’estafier,
Ou se nicher avec effronterie
Dans la perruque du greffier ;
Puis, pour refrain, la compagnie
Fait gala sur le cerisier.
Jean est au désespoir. « Benêt, lui dit sa femme,
« Laisse tes vilains mannequins ,
« Et chante sur une autre gamme
« Avec tous ces petits mandrins. »
Jean fut de «on avis. Avant jour il s’éveille,
Prend de Margot la jupe et le corset,
Et, près des ennemis planté comme un piquet,
Tient sur sa tête une corbeille,
Où des cerises jusqu’au bord
Et, près des ennemis planté comme un piquet,
Tient sur sa tête une corbeille,
Où des cerises jusqu’au bord
S’élevaient en pile vermeille.
Le jour luit ; les brigands s’éveillent, et d’abord,
Découvrant la corbeille pleine ,
Y volent tous. Ce fut leur dernière fredaine :
Sous la corbeille était un trou
Par lequel maître Jean , glissant la main sans peine
Saisissait les voleurs et leur tordait le cou.
“Les Epouvantails”