Charles-Guillaume Sourdille de la Valette
Écrivain, poète et fabuliste XVIIIº – Les lapins
Du lapin noir au lapin blanc
Nulle est pour moi la différence,
Et sur ma table, au même rang.
Je les place sans préférence.
D’abord j’ôte aux gens leurs habits.
Et puis je les juge à leur prix.
Mais Jeannette, ma ménagère,
Séduite par le doux éclat
D’un duvet blanc et délicat.
Pensait de tout autre manière.
Mes lapins noirs étaient jaloux
De voir que sa main partiale
Aux blancs seuls prodiguait les choux :
Quand une espèce se régale
Le jeûne à l’autre n’est pas doux.
A vrai dire, ils en souffraient tous.
L’injustice amène la guerre,
La guerre épouvante l’amour :
Aussi mes lapins, dans ma cour.
Se battaient et ne peuplaient guère.
Mais la paix revint au logis
Quand, d’après mes ordres précis.
Même part à tous fut donnée ;
Et ma cour, au bout de l’année.
Offrit à mes regards surpris
Tout un peuple de lapins gris.
Charles-Guillaume Sourdille de Lavalette