Sur un haut chêne au pied d’une montagne,
S’étoient dès le matin, assemblés mille oiseaux,
Qui voltigeant de rameaux en rameaux
De leurs brillans concerts égayoient la campagne
Ainsi, sans soins, sans embarras,
Chantant leur joye ou leur tendre martyre,
Ils attendoient l’heure de leur repas,
Ou leur apetit, pour mieux dire.
Ils le sentoient venir, lorsque tout à propos
Un sansonnet vint leur apprendre
Qu’à mille pas de l’arbre ils n’avoient qu’à se rendre.
Le grain, leur disoit-il, s’y versoit à grands flots.
Venez… ne soyez pas si sots,
Leur dit une alouette ; on songe à vous surprendre.
Grain, vous dit-on, d’accord ; mais aussi vrais paneaux
Que l’oiseleur vient de vous tendre :
Et que je sois le dernier des oiseaux
Si… la pauvre alouette est une autre Cassandre,
Qu’on ne croit point, qu’on ne veut point entendre ;
Et nos troyens aislez entraînés par la faim,
Suivent le sansonnet au grain.
Vous le voyez ; dit-il. Le premier il y vole.
On l’a suivi sur sa parole ?
Sur son exemple on se met à manger :
Mais le paneau se ferme ; et voilà dans la geole
Nos pauvres indiscrets. Quelques-uns d’enrager ;
Les autres encor de gruger.
En enrageant ; cela console.
Je vous ai prédit le danger ;
Vous trompois-je ? Dit l’alouette,
Qui seule avoit la clef des champs.
Non, répondit quelqu’une de dedans ;
C’est qu’on croit trop ce qu’on souhaite ;
Et l’on connoît son tort quand il n’en est plus tems.
Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, Les Oiseaux.