J’ai lu, je ne sais où, que jadis dans la Grèce
Des sages entre eux devisaient.
Ils discouraient des lois ; et leurs avis disaient
Sur leur autorité, leur force, leur sagesse,
Et leurs défauts, je pense, aussi.
Anacharsis écoutait, sans rien dire.
Quand vint son tour, il se mit à sourire ;
Puis il conta la fable que voici :
Dans un champ, certaine araignée
Avait tendu des fils si forts, si bien ourdis,
Qu’elle aurait défié les gens les plus hardis
D’y venir troubler sa lignée.
Dans ces fils tombe un moucheron :
Pour ses petits, bonne pâture ;
La fourmi vient, même aventure ;
Autant en fait le papillon.
Comme ma toile est bien tissue !
Disait notre fileuse ; elle est, je crois, d’airain ;
Sans mentir, quand d’Hercule on aurait la massue,
On l’entamerait bien en vain.
La dame eût mieux fait de se taire ;
Car aux portes de son logis
Arrive une chauve-souris
Qui vous enlève et la commère,
Et les enfants et les tissus,
Et le papillon par-dessus.
Ces Toiles sont vos lois : les fourbes les méprisent,
Les faibles y sont pris, et les puissants les brisent.
“Les Toiles d’Araignées”