Prête à s’élancer, joyeuse,
Aux libres plaines des cieux,
L’hirondelle voyageuse
A la saison pluvieuse
Jetait un long cri d’adieux.
Sous un chêne solitaire,
Elle entend le rossignol,
Sa voix lui fut toujours chère ;
Et la jeune passagère
Ecoute, et suspend son vol.
Elle recueille, attentive,
L’accent qui cherche le cœur ;
Mais ce chant qui la captive,
Dans sa mesure moins vive,
N’exprime plus le bonheur.
« A quoi rêvez-vous, dit-elle,
Les zéphirs sont au beau temps ;
Sur la rive maternelle
Le doux printemps vous appelle
N’aimez-vous plus le printemps ? »
« —Sauvez-vous, pauvre petite,
Sans me demander pourquoi
J’ai choisi ce sombre gîte :
L’oiseleur, qu’en vain j’évite,
Vous l’apprendrait mieux que moi. »
Alors, autour du grand chêne,
Elle entrevoit des réseaux.
Gémissante, et hors d’haleine,
Elle veut briser la chaîne
Du roi des petits oiseaux.
« Vous n’êtes pas assez forte,
Dit-il, mais consolez-vous,
Du monde il faut que tout sorte :
Dieu n’y plaça qu’une porte,
Et la mort l’ouvre pour tous. »
« Si votre pitié naïve
Ne craint pas de nouveaux pleurs,
Cherchez, au bord de la rive,
Une feuille fugitive
Où sont gravés mes malheurs. »
Sous l’ombre mystérieuse
La feuille alors murmura ;
Et, longtemps silencieuse,
Plus triste que curieuse,
L’hirondelle soupira.
« Adieu donc, s’écria-t-elle,
Puisqu’il faut partir sans vous !
Puisse une feuille nouvelle,
Quelque jour à l’hirondelle
Révéler un sort plus doux ! »
“L’Hirondelle et le Rossignol”