Dans un champ hérissé de chardons, un Baudet
Ayant fait place nette autour de son piquet,
D’un reste d’appétit ressentait les atteintes.
Il attendit long-tems sans murmures, sans plaintes,
Que son maître daignât alonger son lien ;
Mais enfin n’espérant plus rien,
Et trop bien convaincu que ce maître l’oublie,
Avec un bruit affreux le malheureux s’écrie ;
Et les cris répétés par la voix des échos,
De Baudets resonnans remplissent les coteaux.
L’Homme alors d’accourir : Quelle horrible tempête,
Dit-il. Qu’as-tu ? T’égorge-t-on ?
Non ; mais je meurs de faim par faute d’un chardon.
Quoi ! c’est pour ce sujet que tu nous fends la tête ?
Il faut que pour si peu l’on n’entende que toi ?
Hélas ! reprit la pauvre bête,
Ce peu n’est rien pour vous ; mais il est tout pour moi
“L’Homme et l’Âne”