Félix MOUSSET
Un crabe, hardi pillard des mers.
Après une marée effroyablement dure,
Avait quitté sa grotte sûre
Et s’en allait mourant de faim à l’aventure.
Loin des varechs discrets et des rochers déserts,
Une huître qui bâillait, blanche, grasse et béate,
Soulevant son écaille plate,
Attira son attention.
— Eh ! Dit-il, d’inanition
J’allais mourir, ne trouvant nulle aubaine,
Et voilà qu’une huître bien pleine
S’offre à point. Or çà sans tarder,
À nous deux ! Il plonge sa pince ;
L’huître de se fermer soudain avec terreur,
Disant : « Par pitié, Monseigneur,
Je suis, vous le voyez, personnage bien mince. »
Le crabe dit : « Crois-moi, ce n’est pas pour l’honneur ;
Je ne suis potentat ni prince,
Je te laisserais bien en paix
Si je n’allais mourir de faim. Je suis sincère ;
Comme il faut qu’un de nous périsse, tu le sais,
Il faut que ce soit toi ; résigne-toi, ma chère. »
En ce bas monde ils sont nombreux les appétits
Des gros qui mangent les petits.
“L’Huître et le Crabe”