Louis Tremblay, l’Esope chrétien
Avec un rayon de soleil
Matinal et vermeil,
Un œil se disputait. « Quoi ! chétive lumière,
Lui disait-il, tu veux que ma paupière
Soit soumise à ta loi,
Et que moi,
Moi le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre,
Comme un vassal, comme un manœuvre,
Je n’agisse en tout que par toi?
Toi, c’est vrai, force immense et lumineuse et vive
Mais matière, en définitive…
C’est beaucoup que d’être œil, répliquait le rayon ;
Bien plus, je liens qu’un œil est chose si profonde
Où tant de merveilleux éclate, surabonde,
Qu’elle est un abrégé dé la création.
—Un œil qui regarde, qui s’ouvre,
Mais c’est une âme qui se met,
Comme une reine le ferait,
À la fenêtre de son Louvre ! —
Quoi qu’il en soit, voici mon argument;
Œil, saisis bien ce court raisonnement :
Aussitôt, formant une ellipse,
En un moment Notre rayon s’éclipse…
Et notre œil aussitôt put voir
(Il avait beau s’ouvrir d’une façon énorme )
Qu’il ne voyait plus rien, sinon un vague informe,
Sans dessin, sans couleur, et noir
Comme le fond d’un éteignoir.
— Lumière que le ciel à notre âme dispense,
La révélation est un rayon aussi;
Et la raison, c’est l’œil de notre intelligence.
Or, expérimentez et méditez ceci;
Les principes en sont éternels, inflexibles…
La loi qui régit l’œil et le rayon visibles
Est la même loi pour ceux-ci.
“L’Oeil et le Rayon”
Le monde visible n’est qu’une apparence du monde réel.
(Saint Paul.)