Jadis un orateur élégant, très-habile ,
Sur la place d’Athènes, avec art, débitait
D’excellentes leçons d’une morale utile,
Et fort tranquillement un chacun l’écoutait.
Déjà même il s’applaudissait
De se voir entouré d’un nombreux auditoire ;
Déjà , tout bas, au temple de mémoire,
Modestement il se plaçait ;
Quand tout-à-coup l’écho répète
La voix d’un rusé charlatan ,
Qui, pour attirer le chaland,
Faisait retentir sa clochette.
Le peuple en foule alors, de plaisir transporté,
Vers lui s’approche en diligence,
Et quitte, avec rapidité,
L’orateur et son éloquence,
Pourtant un homme lui restait,
Et faisait, en ce sens, des autres la satire,
Mais, hélas ! il faut bien le dire,
C’est que ce pauvre homme dormait.
En sursaut réveillé, sachant ce qui se passe ,
Il se love aussitôt, de fort mauvaise humeur,
En décriant, peste de l’orateur !
Qui, m’ayant assoupi, m’a fait perdre ma place.
Nous sommes tous encor d’Athènes aujourd’hui !
Et sans vouloir ici calomnier autrui,
Je dis que le plus sage et le plus raisonnable,
À l’utile souvent préfère l’agréable.
“L’Orateur et le Charlatan”